mardi 10 septembre 2013

Le singe médecin Fable de la jungle de Paul White


 
GROGUI était un frêle singe, de pauvre santé. Son état minable provenait en grande partie de son refus obstiné à manger des vitamines.

Un matin où, mélancolique, il se grattait, il entendit Nyani parler avec enthousiasme de Pilli, le singe studieux, <Qui, pour son jour de naissance, avait reçu un livre intitulé «  Médecines et premiers secours pour singes et autres. »

Nyani racontait des histoires d'un réel intérêt concernant Pilli, ses performances et ses réussites. De ses paupières tombantes et de ses oreilles affaissées, Grogui écoutait.

Un silence subit lui fit entrouvrir les yeux. Un singe, au maintien sérieux, tenait un livre et fixait intensément ses jambes malades.

Ce ne peut être que Pilli ), se dit-il, en le voyant feuilleter les pages jusqu'au chapitre « Plaies, Ulcères et autres Maux semblables ).

Pilli lut et relut ici et là. Puis, sans s'attarder aux vagues récriminations des singes, il tira de sa trousse noire, un rouleau de gaze, et en entoura les jambes de Grogui, exactement comme l'indiquait le livre, bien que son travail fût terriblement gêné par la détestable habitude de Grogui de tousser et de frissonner.

Cela irritait au maximum le singe-médecin. Polie,

Twiga demanda:

- Ne peut-on rien faire pour sa toux ? Pilli fronça le nez et répliqua :

- Peut-on poser une attelle à un frisson ? Ou bander un rhume?

Il boucla sa sacoche et s'en alla fièrement dans la jungle afin de rejoindre Nhembo-l'éléphant qui, par bonheur, montrait un état d'esprit enclin à l'indulgence, prêtant bonne attention à maints propos et à un torrent de bavardages.

Enfin, un petit sourire tiraillant sa trompe, Nhembo accepta d'offrir son concours pour la cause de la science.

Intéressés, Twiga, Lwivi et Mizi surveillèrent les mouvements du singe-médecin alors qu'avec agilité il entortillait de toile la queue de Nhembo ; il parfit ses efforts à l'aide d'une épingle de sûreté, ceci heureusement sans accidents.

Inspiré par ces succès et muni de très longs et larges bandages, il s'attaqua à un traitement de grande envergure au bout opposé de l'éléphant.

- Vrai, gazouilla Mizi, il est fort adroit.

- N gheeh, approuva Twiga. Mais la santé consiste-t-elle uniquement à être emmitouflé de pansements?

Le lendemain matin, comme POO s'occupait des jambes du singe malade, Twiga pencha la tête et murmura:

- 0 Singe, ne crois-tu pas qu'il existe des remèdes plus efficaces pour apporter allégement et réconfort à la poitrine de ton parent ?

POO s'arrêta net et, d'un lointain et froid regard qui ne cilla même pas, toisa Girafe et déclama:

A présent, peut-être serez-vous assez aimable pour m'octroyer la liberté de poursuivre ma tâche selon mon gré?

Cette nuit-là, le sommeil des hôtes de la jungle fut troublé par les meuglements de Boko-l'hippo et de ses nombreux amis.

Twiga, postée au milieu des pins-parasols, branla la tête. Elle savait qu'à de pareils mugissements succédaient de pénibles maux de gorge dans la tribu des hippopotames.

Perché sur un buyu, Pilli, lui aussi, capta ces échos et résolut de relire le chapitre de son bouquin réservé aux amygdales. D'autant plus que ceux qui émettaient cette sorte de bruits réclamaient toujours (pour se conformer aux usages) son assistance.

Il venait de terminer son chapitre favori quand Boko se présenta, la voix rauque et la nuque recouverte d'une compresse de racines de nénuphars.

Twiga le vit s'approcher du singe-médecin. Celui-ci écouta un moment les raclements puis, autoritaire:

Ouvrez votre bouche toute grande.

Il s'empara fermement de la grosse dent de l'œil de l'hippo, et lorgna jusque dans les profondeurs du gosier en ordonnant à Boko de dire « Ahhh! :.

Hochant la tête d'un air entendu, il rejeta les racines de nénuphars, décora l'énorme encolure de l'animal d'un bandage triangulaire, bientôt souillé de la boue du marécage, et n'apportant aucun soulagement au mal de Boko.

A midi, Pilli s'en vint vers le buyu contre lequel s'adossait Grogui. Il s'agissait de changer les pansements de ses jambes.

Sukou, très en souci à cause de l'étrange respiration sifflante du pauvre Grogui, s'inquiéta:

- 0, Pilli, le plus pressant n'est-il pas d'adoucir les maux internes de ton parent? N'y a-t-il pas des choses plus urgentes que d'autres?

Pilli ne répondit pas une syllabe, mais la façon dont il crispa sa queue et les coins de sa bouche ne laissèrent subsister nul doute sur ce qu'il pensait de l'intelligence des perroquets.

Cependant, le temps passait. Twiga, de sa position favorisée par-dessus le buisson épineux, sentait croître le danger. Elle remarqua la mauvaise toux du singe souffrant, et observa combien ses côtes devenaient plus apparentes jour après jour:

- Ce qui importe, dit Twiga, courbant son long cou pour parler d'un ton tranchant à Pilli, accaparé par ses soins, c'est primo, la vie de Grogui, non ses jambes.

Pilli retroussa son nez avec supériorité et rétorqua:

- Je ne puis admettre d'intervention du dehors lorsque je suis auprès d'un patient.

Trois matins plus tard, les mains chargées de pansements, Pilli se trouva devant un groupe de singes aux mines graves.

 

Affligés, ils s'étaient réunis au pied de l'arbre de famille. Ils annoncèrent une triste nouvelle :

- Grogui n'est plus ...

Le nez du singe-médecin se contracta de colère.

- Cela est impossible! J'ai enveloppé chaque jour, et avec savoir-faire, ses jambes!

Twiga, à l'ouïe de ces mots, confia à Lwivi et à Sukou, perchés sur une haute branche de l'épinier:

- Il se pourrait que bander une jambe ne soit pas le traitement le meilleur pour ce que les sans-queue nomment pneumonie? On ne peut enchaîner la mort, même avec les bandages les plus perfectionnés.



LES auditeurs secouèrent la tête. Daudi s'était levé. - Quoi qu'il en soit, lavez-vous les mains, mais ne négligez pas la malpropreté de vos cœurs. La santé de votre corps à moins d'importance que celle de votre âme. La maison d'un homme sur cette terre a peu de valeur comparée à sa place dans le ciel. Comme la dimension d'une souris comparée à celle d'un éléphant, ainsi est cette vie sur la terre comparée à l'Eternité. Attachez-vous à ce qui en vaut vraiment la peine.

Les paroles de Jésus sont: « Cherchez premièrement le Royaume de Dieu ... :).

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